L’étau se resserre sur les édulcorants !
30 mars 2022 Laisser un commentaire
Depuis les années 80, les édulcorants de synthèse ont fait leur apparition en force dans notre alimentation.
Surfant sur la double tendance d’une mode valorisant la minceur et d’une corpulence moyenne de la population en constante augmentation, les produits allégés, light ou zéro ont multiplié leurs parts de marché.
Pour les produits salés, l’allégé est parfois inoffensif, avec un simple remplacement du lait entier par du lait écrémé par exemple. Le goût et la texture y gagnent rarement au passage…
Pour les produits sucrés, le recours aux édulcorants de synthèse est extrêmement répandu, et ce n’est alors pas la même histoire.
Parmi les édulcorants de synthèse, citons deux stars que sont l’aspartame et l’acésulfame-K, présents dans le Coca Light, mais aussi dans de nombreuses sucrettes pour le café, laitages light etc.
Ces édulcorants de synthèse présentent sur le papier des intérêts certains : apport calorique à peu près nul, apport de sucre nul et pas d’effet cariogène.
Ils sont classés dans la catégorie des additifs alimentaires, respectivement E950 pour l’acésulfame-K et E951 pour l’aspartame.
Les autorités de santé se veulent toujours très rassurantes sur l’innocuité des additifs. Ainsi, l’ANSES (Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’Alimentation, de l’Environnement et du Travail) nous explique que « »un additif n’est autorisé en alimentation humaine que s’il ne fait pas courir de risque au consommateur aux doses utilisées » après évaluation des autorités de santé européennes.
L’Union Française des Consommateurs (UFC- Que Choisir) est beaucoup plus prudente et, sur la base d’une relecture critique des même travaux qui étayent la position des autorités de santé, elle classe depuis longtemps l’acésulfame-K et l’aspartame comme « peu recommandables« . E951 Aspartame (Édulcorant) – Additifs alimentaires – UFC-Que Choisir
Jusqu’à présent, se posait déjà la question de savoir si, au-delà des quelques avantages théoriques cités plus haut, ces édulcorants apportaient une réelle plus-value en pratique.
L’EUFIC (Conseil Européen d’Information sur l’Alimentation) publiait à ce sujet une synthèse en 2021 où il s’intéressait en particulier à l’intérêt de ces produits sur le poids, puisque c’est là, et de loin, leur premier motif d’achat par les consommateurs.
Voici un extrait (in extenso) de sa publication Les édulcorants : réponses aux questions fréquemment posées et déconstruction de mythes | Eufic
Les édulcorants font-ils grossir ?
A l’heure actuelle, les scientifiques ne savent pas si les édulcorants causent une prise de poids. [sic] En effet, la plupart des preuves scientifiques démontrent que les édulcorants peuvent jouer un rôle dans la gestion du poids en réduisant l’apport énergétique et le poids corporel lorsqu’ils sont utilisés pour remplacer le sucre dans l’alimentation des adultes, adolescents et enfants.
Selon certaines théories, l’utilisation d’édulcorants cause :
– une accoutumance au goût sucré (c’est-à-dire s’habituer au goût sucré)
– des pulsions sucrées renforcées et
– des effets à long-terme sur la santé métabolique, y compris un impact sur les gènes par les habitudes parentales avant la conception,
ce qui peut entraîner une augmentation de l’apport alimentaire et une prise de poids. Cependant, en raison de l’insuffisance des données disponibles, ces études ne fournissent pas de réponses claires.
A la lecture de cette synthèse, continuer à consommer ces édulcorants pouvait sembler aventureux avec un effet potentiel sur le poids exactement opposé à celui recherché.
Par le passé, des alertes sur des dangers réels de ces substances ont été lancées sporadiquement, à tort ou à raison, par certains membres du corps médical, sans aboutir à une modification des recommandations.
Ainsi que le relatait la RTBF en novembre 2011 dans son article intitulé Santé: femme enceinte et aspartame, attention danger – rtbf.be, un collectif de médecins gynécologues et pédiatres avait alerté le ministre français de la santé de l’époque, Xavier Bertrand, d‘une forte hausse de risque d’accouchement prématuré en cas de consommation quotidienne d’aspartame : + 27% avec un soda light par jour et même +78% pour 4 canettes par jour, et ce sur la foi d’une étude danoise.
L’ANSES n’avait alors pas jugé utile de revoir les recommandations pour cet additif.
Mais voilà que 11 ans plus tard, en mars 2022, c’est au tour du très sérieux INSERM (Institut National de la Santé et de la Recherche Scientifique) de tirer la sonnette d’alarme.
Sans être totalement affirmative, la communication de l’Institut explique que « la consommation d’édulcorants serait associée à un risque accru de cancer ». L’emploi du conditionnel se justifie par la difficulté à isoler ce facteur de risque potentiel parmi les autres caractéristiques des personnes concernées.
La consommation d’édulcorants serait associée à un risque accru de cancer | Salle de presse | Inserm
Etude complète sur Artificial sweeteners and cancer risk: Results from the NutriNet-Santé population-based cohort study (plos.org)
Associée à l’INRAE, l’Université Sorbonne Paris Nord et le Cnam, l’INSERM a étudié les données santé et de consommation alimentaire d’un peu plus de 100 000 adultes français intégrés à l’étude participative Nutrinet-santé, sur la période 2009 – 2021.
Nutrinet-Santé recrute toujours des volontaires, n’hésitez pas à rejoindre la cohorte pour aider la recherche. https://etude-nutrinet-sante.fr/
Les participants ont été classés en 3 catégories : les non-consommateurs d’édulcorants, les faibles consommateurs d’édulcorants et les grands consommateurs d’édulcorants.
Les édulcorants concernés sont les suivants : acesulfame-K (E950), aspartame (E951), cyclamates (E952), saccharine (E954), sucralose (E955), thaumatine (E957), dihydrochalcone de néohespéridine (E959), glycosides de stéviol (E960), sel d’aspartame acésulfame (E962).
Le résultat : les grands consommateurs (en particulier d’aspartame et d’acésulfame-K) auraient un risque de cancer supérieur de 13% (quelle que soit la localisation) à celui des non-consommateurs.
Si on se limite au seul aspartame, le risque de cancer du sein serait plus élevé de 22%, et le risque de contracter un des cancers pour lesquels l’obésité est elle-même facteur de risque serait plus élevé de 15%, c’est à dire notamment les cancers suivants : colorectal, estomac, foie, pharynx, larynx, œsophage, ovaire, endomètre, prostate.
Voyons maintenant quels sont les niveaux de consommation en cause.
Pour séparer les grands et les faibles consommateurs, les chercheurs ont simplement utilisé la médiane. Les 50% qui consomment le plus sont considérés comme des grands consommateurs. Les 50% qui consomment le moins (mais consomment quand même), sont les faibles consommateurs.
Le niveau de consommation qui sépare les 2 groupes est de 17 mg par jour pour les hommes et 19 mg pour les femmes (qui en consomment donc plus).
Si on prend les sucrettes à base d’aspartame et acésulfame-K d’un des leaders du marché, chaque sucrette pèse 85 mg et contient 10% d’aspartame et 6,7% d’acésulfame-K d’après le fabricant, soit un total de 14 mg par sucrette.
Autrement dit, avec 2 sucrettes par jour, on entre déjà dans la catégorie des grands consommateurs avec les risques qui seraient associés.
Prenons un autre exemple : une célèbre boisson au cola leader sur son marché.
Sur son site internet, Coca-Cola mentionne que, pour le marché Suisse, la teneur en aspartame du Coca light ou Coca zéro est d’environ 130 mg/litre.
Pour être parmi les grands consommateurs, il suffit donc de boire 130 mL de coca, soit même pas une demi-canette.
Combien d’aspartame contiennent les produits Coca-Cola et quels sont ses effets?
La dose journalière admissible (DJA), limite de sécurité fixée par les autorités de santé européenne (EFSA) pour nous protéger, est de 40 mg par kilo de poids corporel et par jour.
Soit pour une personne de 70 kg : 2800 mg d’aspartame par jour ! Presque 200 fois le seuil d’effet important mis en avant dans l’étude de l’INSERM.
Pour l’Acésulfame-K, la DJA est un peu plus basse à 9 mg par kilo de poids corporel et par jour, soit 630 mg par jour.
Les deux additionnés, on est à 3430 mg par jour.
Si les travaux de l’INSERM venaient à être confirmés, cela signifierait qu’il faudrait pratiquement renoncer à consommer ces substances.
En attendant, la prudence doit nous inciter à ne pas en consommer sauf exception.
Ce qui signifie être très vigilant sur les produits industriels sucrés (boissons, laitages…) que nous achetons, en vérifiant la liste des ingrédients.
Un seul exemple : le thé glacé à la pêche. Que vous choisissiez Lipton ou Fuze, sans qu’il soit fait mention d’un produit allégé ou light, votre thé contient des glycosides de stéviol (E960), en plus du vrai sucre. Il ne s’agit certes pas des deux édulcorants les plus décriés par l’étude. Mais qu’en est-il dans les produits que vous consommez habituellement ?
Encore une fois, des produits « fait maison » avec des ingrédients de base, en assumant de manger du sucre quand on a envie de goût sucré, voilà le meilleur moyen de ne pas se tromper !